Vidéos de Dennis Ombachi publiées sur TikTok. (CAPTURE D’ÉCRAN)

Par un après-midi baigné de soleil, Nelly Wahome installe son smartphone sur un trépied pour immortaliser l’un des joyaux touristiques de Mombasa : le Nyali Resort, station balnéaire emblématique du littoral nord du Kenya.

Âgée de 25 ans, Nelly publie aussitôt la vidéo sur son compte TikTok, espérant ravir ses abonnés avec les scènes du jour tournées le long des plages du Nyali Resort. En quelques heures, sa publication récolte plusieurs centaines de vues. « Ce qui avait commencé comme une expérience légère – une vidéo sur la vie dans une ville touristique que j’ai postée il y a un an – a pris une ampleur inattendue. Depuis, mon nombre d’abonnés a triplé, atteignant près d’un demi-million », a-t-elle confié à CHINAFRIQUE.

Portée par l’essor fulgurant d’Internet dans sa région, Nelly voit poindre une nouvelle ère de l’économie créative, où les jeunes férus de technologie deviennent une cible privilégiée pour les réseaux sociaux dans ce pays d’Afrique de l’Est. Elle est aujourd’hui ambassadrice d’une agence de voyages locale, dont elle valorise les offres à travers ses contenus numériques. Elle a également signé un contrat de diffusion exclusive avec un autre site de tourisme kényan, ce qui lui assure ainsi un revenu régulier.

L’essor de l’économie créative dans de nombreuses régions du Kenya illustre la capacité des technologies et des réseaux sociaux à transformer les dynamiques locales. Grâce à une démographie avantageuse, les marchés publicitaires et de consommation du pays affichent de solides perspectives de croissance à long terme. Ce potentiel attire des investissements croissants de la part de géants du numérique tels que ByteDance, maison mère chinoise de TikTok, ou Meta, maison mère de Facebook et Instagram.

Le TikTok de l’audace

Les créateurs de contenu comme Nelly accueillent avec enthousiasme ces évolutions, convaincus que de tels partenariats faciliteront la promotion des entreprises locales sur TikTok. Ancien rugbyman devenu chef autodidacte, Dennis Ombachi a remporté le prix du meilleur créateur lors de la première édition des TikTok Top Creator Awards en 2022. Sur son compte « The Roaming Chef », il partage des vidéos culinaires avec ses 2,3 millions d’abonnés.

Le Kenya se classe parmi les pays les plus actifs sur TikTok : 54 % des Kényans utilisent l’application pour créer et partager des vidéos, et 29 % s’en servent comme source d’information, selon une enquête de Reuters. Mais ces jeunes utilisateurs ne se contentent pas d’animer les réseaux : ils deviennent aussi des acteurs de l’innovation et de l’entrepreneuriat dans la région.

C’est dans cet esprit que TikTok a récemment noué un partenariat avec deux entreprises kényanes, Aleph Holdings et Wowzi, pour renforcer sa présence au Kenya. L’objectif : faciliter l’accès à la publicité pour les entreprises locales et offrir aux créateurs davantage d’opportunités de monétisation.

Aleph Holdings assurera les ventes et le service client de TikTok, en proposant des solutions adaptées au marché local. Wowzi, quant à elle, aidera les créateurs à collaborer avec des marques et agences. « Ces partenariats ouvrent aux annonceurs un accès privilégié à des formats publicitaires innovants et aux talents du pays », a déclaré Carl Jordan, directeur des ventes et des solutions commerciales mondiales de TikTok pour l’Afrique subsaharienne.

Il a précisé que l’objectif était de connecter les créateurs kényans aux annonceurs pour renforcer leurs revenus et consolider l’écosystème créatif local. « Cela témoigne de notre engagement envers les talents et les entreprises du continent, et positionne le Kenya comme un acteur majeur de l’économie numérique mondiale. »

Grâce à l’intervention d’Aleph Holdings, les entreprises peuvent désormais acheter de la publicité en monnaie locale et bénéficier d’un accompagnement sur mesure, sans passer par les systèmes de paiement internationaux. « Ce partenariat rend le marketing numérique plus accessible et plus efficace, permettant aux entreprises kényanes de capter l’immense audience de TikTok », a souligné Stephen Newton, directeur régional d’Aleph Holdings pour l’Afrique subsaharienne.

Un espace en pleine effervescence

L’expansion d’Internet au Kenya ouvre des horizons inédits pour une jeunesse avide de création, qui s’appuie sur les réseaux sociaux pour porter ses projets, façonner les tendances et toucher un vaste public. Cette mutation vers une économie numérique prend tout son sens dans un pays de plus en plus perçu comme un pôle technologique d’Afrique de l’Est.

Les investissements massifs de ByteDance et de Meta témoignent non seulement du potentiel économique kényan, mais aussi de la reconnaissance croissante du rôle que joue la jeunesse africaine dans l’économie numérique mondiale. En s’adressant à elle, ces géants ne se contentent pas d’élargir leur influence : ils valorisent aussi l’expression culturelle et la créativité locale.

Pour que cette dynamique porte pleinement ses fruits, les experts plaident pour une approche globale, visant à permettre à la nouvelle génération de créateurs, au Kenya comme ailleurs, d’exploiter pleinement les outils numériques pour bâtir leur avenir économique. Cela suppose une synergie entre acteurs publics et privés – institutions, écoles, agences gouvernementales, investisseurs – afin de fournir les infrastructures adéquates, renforcer les compétences numériques et créer un environnement propice à l’innovation.

Dernièrement, le Président kényan William Ruto a signé un protocole d’accord avec le groupe chinois Huawei pour promouvoir la transformation numérique du pays. Gloria Wawira, directrice exécutive du Conseil national de la jeunesse, une agence publique dédiée aux politiques en faveur des jeunes, a salué la coopération avec la Chine, soulignant que ses avancées économiques et technologiques constituent une source d’inspiration pour le Kenya dans sa marche vers une quatrième révolution industrielle.

« La coopération sino-kényane peut encourager le transfert de technologies, la formation des jeunes, l’innovation et l’entrepreneuriat, et faire du Kenya, voire de l’Afrique, la prochaine frontière du numérique, qu’il s’agisse d’externalisation des services ou de télétravail technologique », a-t-elle conclu.

Reportage du Kenya