2025-07-01 |
Les allées du succès |
VOL. 17 / JUILLET 2025 par DERRICK SILIMINA · 2025-07-01 |
Mots-clés: EECSA |
L’EECSA, une vitrine stratégique pour les entreprises africaines en quête de nouveaux débouchés.
Une exposante kényane fait la promotion de café auprès des visiteurs lors de la 4e EECSA à Changsha, dans la province du Hunan, le 13 juin. (HU FAN)
À Changsha, ville pittoresque baignée par les eaux du fleuve Xiangjiang, une brise légère effleure les flancs du mont Yuelu et les vergers de l’île Orange. Tandis que les visiteurs affluent sous les vastes halls d’exposition, des effluves de thé, d’épices et d’huiles essentielles venus d’Afrique embaument l’air, annonçant l’ouverture de l’un des plus grands rendez-vous de la coopération sino-africaine.
Du 12 au 15 juin, la 4e Exposition économique et commerciale sino-africaine (EECSA) s’est tenue à Changsha, chef-lieu de la province du Hunan, témoignant de l’engagement croissant de la Chine envers un continent qui regroupe la majorité des pays en développement. L’événement a mis à l’honneur les fleurons du continent : thé kényan, cacao ougandais, miel zambien, tabac malawite, piments séchés rwandais, agrumes sud-africains, artisanat, bijoux et créations de mode.
Lancée en 2019, l’EECSA est devenue une plateforme incontournable pour renforcer les liens économiques sino-africains, réunissant cette année 53 pays d’Afrique et 31 entités administratives chinoises. Plusieurs initiatives inédites ont été dévoilées, destinées à accroître la visibilité des marques africaines sur le marché chinois, à encourager l’investissement et à insuffler un nouvel élan au développement du continent.
Un accès à un marché clé
« Je suis heureuse de pouvoir présenter mes créations, des vêtements pour hommes, femmes et enfants ainsi que des accessoires de mode féminins », confie Mazuba Mwanza, créatrice de mode zambienne de 38 ans, à CHINAFRIQUE. « J’ai déjà vendu une cinquantaine de pièces, mais l’essentiel est ailleurs : j’ai établi plus de 20 contacts commerciaux prometteurs avec des partenaires chinois. » Son label, Faimak Couture, a séduit par ses lignes originales, transformant la curiosité des visiteurs en opportunités concrètes.
Même ambition pour Changa Nkowane, PDG de Gilly’s Trends Enterprise, venu sonder les perspectives d’exportation. « En tant qu’artisans mineurs à petite échelle, nous cherchons à collaborer avec des entreprises chinoises pour attirer des investissements et valoriser nos produits », explique-t-il. Spécialisée dans la vente de pierres précieuses, de miel et d’artisanat, sa société profite de la vitrine offerte par l’EECSA pour explorer de nouveaux débouchés.
Conduite par le ministre zambien du Commerce et de l’Industrie, Chipoka Mulenga, la délégation nationale a souligné l’importance de cette exposition pour capter les investissements chinois, notamment dans l’énergie et la fabrication. Elle a aussi permis à des entrepreneurs comme Mme Mwanza et M. Nkowane de s’insérer sur le marché export.
« Cette exposition s’inscrit dans la stratégie globale de la Zambie pour diversifier son économie et accroître ses exportations non traditionnelles », a souligné le ministre.
Des visiteurs découvrent des bijoux et pierres précieuses du Malawi lors de la 4e EECSA à Changsha, dans la province du Hunan, le 13 juin. (HU FAN)
Investissements et coopération renforcés
Pour les pays africains, l’EECSA est bien plus qu’un tremplin vers le marché chinois. Elle constitue aussi une passerelle vers des investissements directs dans des secteurs vitaux : agriculture, énergies renouvelables, infrastructures ou santé.
Cette édition proposait plus d’une trentaine d’activités couvrant un large éventail de domaines : machinisme agricole, énergies vertes, exploitation minière intelligente, médecine traditionnelle, chaînes industrielles, entrepreneuriat des jeunes, industries culturelles, entre autres.
Le pavillon sud-africain, par exemple, réunissait 17 exportateurs de la province du Cap-Occidental, mobilisés par l’agence Wesgro. Ils ont présenté des produits variés : cosmétiques bio, vins, épices, thés, fleurs fraîches, compléments alimentaires…
« En nous ouvrant à des marchés comme la Chine, nous avançons dans notre mission de dynamisation du commerce et de l’investissement. La diversification des marchés est essentielle à la résilience et à la croissance à long terme de nos entreprises », a déclaré Wrenelle Stander, PDG de Wesgro.
Produits de choix pour un marché stratégique
Dans un contexte où les États-Unis imposent des droits de douane sévères, la Chine s’affirme comme un partenaire commercial de plus en plus convoité par les exportateurs agricoles africains.
À Kericho, haut lieu de la production de thé au Kenya, Doreen Otieno cueille avec soin les deux feuilles et le bourgeon, partie la plus prisée pour sa fraîcheur. Pourtant, malgré la qualité de sa récolte, elle peine à écouler ses 100 kg de stock invendu. « Le système de prix minimum pèse sur ma trésorerie. Il devient difficile de couvrir les coûts de production », confie-t-elle.
Face à la volatilité des cours et au manque de valeur ajoutée locale, de nombreux petits producteurs tournent désormais leurs regards vers le marché chinois, premier consommateur mondial de thé. Si l’Agence kényane de développement du thé a fixé un prix minimum à l’export de 2,34 dollars le kilo, la mesure a paradoxalement entraîné une accumulation de stocks invendus, remettant en cause son efficacité. L’EECSA pourrait marquer un tournant.
À Changsha, les pays africains n’exposent pas seulement des produits, mais portent aussi une vision. Au pavillon du Malawi, pois d’Angole, arachides, minerais et pierres précieuses ont éveillé l’intérêt des visiteurs. « Nous sommes honorés de faire découvrir notre potentiel au marché chinois. Ensemble, nous construisons des ponts pour le commerce, l’investissement et la prospérité partagée », a déclaré un représentant du Centre malawite de promotion des investissements et du commerce.
Florence Akinyede, entrepreneure nigériane spécialisée dans la noix de karité, le curcuma et le gingembre, participait pour la première fois. Elle y a perçu un levier prometteur. « Nous voulons créer des synergies avec nos homologues chinois, en ajoutant de la valeur à nos produits agricoles et en partageant nos savoir-faire industriels. C’est ainsi que nous contribuerons à construire une économie plus forte pour notre pays », conclut-elle.
Reportage de Zambie
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