2025-07-01 |
Bâtir demain, aujourd'hui |
VOL. 17 / JUILLET 2025 · 2025-07-01 |
Mots-clés: EECSA ; PNUD |
Quand innovation, commerce et croissance verte redessinent le partenariat Afrique-Chine : le regard d’une responsable du PNUD.
Ahunna Eziakonwa s’exprime lors d’une conférence pendant la 4e EECSA, à Changsha, dans la province du Hunan, le 12 juin. (COURTOISIE)
Des représentants de nombreuses organisations internationales, dont le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), ont participé à la 4e Exposition économique et commerciale sino-africaine (EECSA), organisée en juin à Changsha. Parmi eux, Ahunna Eziakonwa, secrétaire générale adjointe des Nations unies et directrice du Bureau régional pour l’Afrique du PNUD, venue porter un message fort en faveur d’un développement durable fondé sur le commerce, l’innovation et les investissements responsables.
Dans un entretien accordé à CHINAFRIQUE, elle partage sa vision des relations sino-africaines et du rôle du PNUD dans l’émergence d’un partenariat équitable et transformateur. En voici des extraits édités.
CHINAFRIQUE : Quel message portez-vous à la 4e EECSA au nom du PNUD et du continent africain ? Quels résultats espérez-vous obtenir grâce à la participation du PNUD cette année ?
Ahunna Eziakonwa : Mon message est limpide : l’Afrique n’est pas seulement ouverte aux affaires, elle façonne l’avenir des affaires. Je suis venue à la 4e EECSA pour lancer un appel : investissez dans les ressources de l’Afrique, certes, mais surtout dans ses idées, sa jeunesse, son esprit d’innovation et sa transition industrielle verte.
Le PNUD est ici pour promouvoir des partenariats audacieux : des alliances qui favorisent un capital plus équitable, co-construisent des chaînes de valeur et ancrent localement des solutions dans les domaines de l’énergie, de la santé et du numérique. Nous ne sommes pas venus pour faire du commerce, mais pour impulser une transformation.
L’objectif est clair : passer du potentiel à la puissance. Ensemble, l’Afrique et la Chine peuvent bâtir les industries de demain. Que cette exposition serve de tremplin à cette ambition commune.
Quel rôle les partenariats sino-africains peuvent-ils jouer dans la transformation industrielle verte du continent, et comment la coopération Sud-Sud peut-elle favoriser un meilleur accès aux technologies propres ?
Le commerce et l’investissement sino-africains peuvent être moteurs de transformation, à condition qu’ils soient fondés sur une prospérité partagée. L’Afrique dispose du soleil, du vent, de la jeunesse et des idées ; la Chine détient la technologie, le capital et l’expérience. Ensemble, nous pouvons bâtir une industrialisation intelligente, respectueuse du climat et porteuse d’emplois.
Mais pour réussir cette transformation, l’accès universel aux technologies vertes est essentiel. La coopération Sud-Sud, portée par le leadership chinois en énergies renouvelables, doit favoriser la co-innovation, la formation de talents africains et le développement d’écosystèmes industriels locaux.
Nous devons créer des filières complètes : fabrication sur le continent, financement adapté aux réalités locales, emplois verts, économies résilientes. C’est ainsi que l’Afrique pourra libérer tout son potentiel énergétique et bâtir un avenir inclusif, sobre en carbone et prospère.
L’initiative timbuktoo du PNUD suscite un intérêt croissant. En quoi ce programme s’inscrit-il dans l’esprit de l’EECSA, centré sur l’innovation et l’entrepreneuriat ?
L’initiative timbuktoo du PNUD est la réponse de l’Afrique aux grands défis de l’innovation mondiale. En phase avec l’esprit de l’EECSA, elle valorise entrepreneuriat, commerce et transformation. Plus qu’un programme, c’est un mouvement qui libère la créativité des jeunes et construit le plus grand écosystème de start-up du continent, ancré dans les universités, soutenu par le capital et porté par une vision.
De la fintech à la greentech, en passant par l’agritech et la healthtech, timbuktoo transforme les idées en industries, et les jeunes pousses en génératrices d’emplois. C’est là que le talent africain rencontre les opportunités mondiales. Nous invitons nos partenaires, chinois en particulier, à nous aider à changer d’échelle. L’avenir ne s’importe pas. Il se construit, ensemble.
Comment le PNUD aide-t-il les gouvernements africains à tirer parti de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), et quel rôle la Chine peut-elle jouer dans ce processus ?
La ZLECAf, pari de l’Afrique sur elle-même, ouvre un marché de 1,4 milliard d’habitants. C’est une feuille de route pour un développement endogène, que le PNUD soutient en aidant les gouvernements à passer de la vision à l’action : simplification des règles commerciales, consolidation des chaînes de valeur régionales, appui aux jeunes et aux femmes entrepreneures.
Mais le commerce exige aussi des infrastructures, des politiques cohérentes, des outils numériques et de la confiance. Le PNUD agit sur ces leviers, de la cartographie des chaînes de valeur à la numérisation des corridors.
La Chine peut jouer un rôle clé, comme partenaire et co-investisseur : logistique verte, co-
développement de zones industrielles, soutien à l’intégration commerciale africaine.
Vous plaidez pour une réforme des systèmes de notation de crédit. Pourquoi est-ce crucial, et comment la Chine pourrait-elle contribuer à ce changement ?
Les notations actuelles étranglent l’avenir de l’Afrique : elles alourdissent les coûts d’emprunt, grèvent les budgets publics et sanctionnent des vulnérabilités héritées. C’est une question de justice. Les pays africains paient jusqu’à 8 fois plus pour emprunter, au détriment des hôpitaux, des écoles ou des énergies propres.
La Chine, en tant qu’acteur financier de poids, peut soutenir la réforme, promouvoir des modèles d’évaluation alternatifs et investir dans la résilience. Il s’agit de passer d’un système extractif à une solidarité fondée sur l’équité, non sur la charité.
Quel message adressez-vous aux investisseurs chinois du secteur privé qui s’intéressent à l’Afrique ?
Aux investisseurs privés chinois, je dis : l’Afrique n’est pas qu’un marché, c’est un allié pour l’innovation, la croissance et l’impact.
Investir en Afrique, c’est parier sur un continent jeune, dynamique, avide d’opportunités et de solutions durables. Alignez vos investissements sur les Objectifs de développement durable et l’Agenda 2063 en soutenant les industries vertes, la transformation numérique et des modèles d’affaires inclusifs.
Ce choix n’est pas seulement éthique. Il est stratégique. Les investissements durables bâtissent des marchés résilients, stimulent l’innovation et créent une valeur pérenne. L’Afrique a l’échelle, l’élan et le sens. Le moment d’investir est venu. Faisons-le ensemble, de manière responsable.
Dans un monde en recomposition, pourquoi est-il crucial d’intégrer les voix africaines au cœur de la coopération internationale, et comment le PNUD y contribue-t-il ?
L’Afrique détient des réponses essentielles aux défis mondiaux : climat, innovation, croissance équitable. Sa voix doit être entendue.
Le PNUD amplifie ces voix en travaillant au plus près des gouvernements, des jeunes, des communautés. Nous transformons les idées locales en actions globales, les ambitions africaines en feuilles de route concrètes.
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