2025-07-01 |
L'horizon à deux visages |
VOL. 17 / JUILLET 2025 par HE WENPING · 2025-07-01 |
Mots-clés: EECSA |
La coopération sino-africaine s’intensifie et s’étend à tous les secteurs grâce à de nouveaux accords et projets.
Vue du Centre international des expositions et des congrès de Changsha, dans la province du Hunan, le 12 juin. (HU FAN)
L’année 2025 marque le 25e anniversaire de la création du Forum sur la Coopération sino-africaine (FCSA). Elle inaugure également la mise en œuvre des actions issues du Sommet du FCSA tenu à Beijing en 2024.
En juin, la ville de Changsha, dans la province du Hunan, a accueilli une série d’événements majeurs visant à approfondir les relations sino-africaines. Le 11 juin, s’y est tenue la Réunion ministérielle des coordinateurs sur la mise en œuvre des actions de suivi du FCSA. À cette occasion, le Président chinois Xi Jinping a adressé une lettre de félicitations, exprimant son souhait de voir s’intensifier la coopération sino-africaine et se consolider une communauté de destin plus étroite entre la Chine et l’Afrique. Cette réunion a débouché sur l’adoption de la Déclaration sino-africaine de Changsha sur la préservation de la solidarité et de la coopération du Sud global, affirmant l’engagement conjoint des deux parties en faveur de l’équité, de la justice internationales et du renforcement de la coopération Sud-Sud.
Du 12 au 15 juin, la 4e Exposition économique et commerciale sino-africaine (EECSA) s’est également tenue à Changsha. Placée sous le thème « Chine et Afrique : ensemble vers la modernisation », elle a mis en exergue des coopérations stratégiques dans des domaines clés tels que les infrastructures, l’agriculture, les énergies vertes et l’économie numérique. L’exposition a été ponctuée de dialogues, de rencontres professionnelles et de forums de mise en relation destinés à dynamiser les échanges commerciaux et les investissements.
Un accès douanier sans précédent
L’un des points saillants de la Déclaration de Changsha figure dans son article 8 : la Chine s’y engage à négocier et signer un accord de partenariat économique sino-africain pour un développement partagé. Elle se dit prête à étendre le traitement à droit de douane nul à 100 % des lignes tarifaires pour les 53 pays africains entretenant des relations diplomatiques avec elle, ouvrant grand les portes de son marché aux produits africains de qualité.
Cette promesse s’inscrit dans le prolongement d’une décision antérieure, entrée en vigueur le 1er décembre 2024, accordant un accès douanier sans frais à l’ensemble des exportations provenant des pays les moins avancés, dont 33 nations africaines. Il s’agit là d’un tournant majeur dans l’ouverture du marché chinois, offrant à l’Afrique une occasion unique de diversifier ses débouchés et de renforcer ses capacités d’exportation.
Depuis 16 années consécutives, la Chine demeure le premier partenaire commercial du continent africain. L’instauration généralisée du droit de douane nul pourrait donner un élan décisif aux échanges et sceller durablement les liens économiques entre les deux parties.
Ce contraste est d’autant plus frappant lorsqu’on le compare à l’approche protectionniste de l’administration Trump, qui, dès les débuts de sa présidence, avait déclenché une vague de guerres tarifaires touchant y compris des pays africains à faible revenu. Des nations comme le Lesotho, Madagascar, Maurice, le Botswana, l’Angola, l’Algérie ou encore l’Afrique du Sud ont ainsi subi des droits de douane supplémentaires allant de 30 % à 50 %. En contraste, la stratégie chinoise s’inscrit dans une défense affirmée du libre-échange et d’un partenariat équitable.
Vers une coopération plus ambitieuse
Le Livre bleu sur la coopération économique et commerciale Chine-Afrique : Rapport sur le développement (2025), publié lors de cette 4e EECSA, dresse un état des lieux des dynamiques à l’œuvre. Il souligne que le commerce sino-africain entre dans une phase de transformation profonde : diversification des échanges, montée en gamme des produits, intégration technologique accrue. À l’avenir, les perspectives de coopération devraient s’élargir à des secteurs comme l’agriculture moderne, les infrastructures de nouvelle génération, l’économie verte ou encore les services numériques.
Le rapport met en lumière plusieurs tendances clés. Dans l’agroalimentaire, la transformation locale remplace peu à peu l’exportation brute de matières premières. L’industrie connaît une relocalisation progressive de la production. Les services numériques montent en puissance et le commerce électronique transfrontalier s’impose comme un nouveau levier du partenariat sino-africain. Ces dynamiques s’appuient sur l’industrialisation africaine, la modernisation chinoise et l’initiative « la Ceinture et la Route ».
Longtemps entravée par une économie de monoculture héritée de l’époque coloniale, l’Afrique commence à renverser la tendance. Grâce à plus de deux décennies de coopération sino-africaine stable, des mutations structurelles s’opèrent, favorisant une montée en valeur de ses exportations.
Des produits agricoles comme le cacao ou le soja sont désormais transformés localement en poudres, cafés, fruits secs ou produits laitiers. L’industrie extractive évolue aussi, privilégiant la transformation sur place. De nombreuses entreprises chinoises investissent dans l’extraction, les infrastructures et les unités de traitement, soutenant les parcs industriels et les chaînes de valeur africaines.
Le Livre bleu révèle également une progression soutenue du commerce : en 2023, les échanges de biens ont dépassé 280 milliards de dollars, et ceux de services ont atteint 41,87 milliards de dollars en 2021. Cette croissance s’accompagne d’une diversification continue et d’un accroissement de la valeur ajoutée.
Les investissements chinois, en forte croissance, ciblent les infrastructures comme les transports, l’énergie, les télécommunications et la gestion de l’eau. La coopération s’étend aussi à l’éducation, à la santé, à l’agriculture et au développement durable. Les mécanismes politiques et cadres institutionnels sont renforcés pour sécuriser les échanges et stabiliser les financements.
Des résultats concrets
L’édition 2025 de l’EECSA a débouché sur la signature de 176 accords, pour une valeur totale de 11,39 milliards de dollars : soit une hausse de 45,8 % en quantité, et de 10,6 % en valeur, par rapport à l’édition précédente. Parmi eux, 28 concernent des projets d’infrastructures visant à accompagner la transition verte, la connectivité régionale et la modernisation industrielle du continent, pour un montant de 5,27 milliards de dollars.
L’Administration générale des douanes de Chine a signé cinq protocoles facilitant l’accès au marché chinois pour des produits agricoles africains. Dix autres accords lient la formation professionnelle aux besoins économiques : ils portent sur la co-construction d’établissements d’enseignement technique, le développement conjoint de filières industrielles et la valorisation des talents locaux.
Ces avancées prolongent directement le Sommet du FCSA de 2024. Neuf mois après, les premiers résultats sont visibles : fin mars 2025, des projets d’infrastructures d’une valeur de 134 milliards de yuans (18,7 milliards de dollars) étaient déjà achevés. Portés par les dix Actions de partenariat proposées par la Chine, les investissements couvrent les minerais verts, l’électroménager, l’automobile, les nouvelles énergies, la logistique, le numérique et la finance.
L’économie numérique devient ainsi un pilier central de la coopération sino-africaine. Des plateformes comme Alibaba.com ou Pinduoduo ont lancé des opérations sur le continent, donnant un nouvel élan au commerce électronique transfrontalier.
Sur le terrain, la Chine a également renforcé son action dans le domaine de la santé. Depuis le sommet, 508 professionnels de santé chinois ont été envoyés en Afrique, prenant en charge plus de 1,06 million de patients. Leurs missions vont bien au-delà des soins : elles comprennent la formation de personnel local, la sensibilisation à la santé publique et un appui spécifique aux femmes et aux enfants.
Ces résultats témoignent d’un engagement fort en faveur de la mise en œuvre. Ils répondent aux attentes africaines tout en consolidant l’image de la Chine en tant que puissance responsable, attachée à l’action concrète plus qu’aux effets d’annonce.
L’auteure est chercheuse à l’Institut d’études ouest-asiatiques et africaines de l’Académie des sciences sociales de Chine.
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