Luo Guanzhang

Luo Guanzhang, 80 ans, a pris sa retraite il y a 20 ans. Pourtant, le vieil homme a toujours la mission qu’il s’est fixée à l’esprit : sortir son village de la pauvreté. Surnommé le « Tibet de Yichang », et situé à 1 540 m d’altitude, il s’agit de l’un des villages les plus reculés et les moins développés du pays, dont les quelque 8 000 habitants se battent de génération en génération contre la pauvreté. Et les résultats sont probants : en 2015, le revenu annuel par habitant chez les villageois s’est établi à 7 508 yuans (1 150 dollars), soit 106 fois plus qu’il y a 20 ans. Alors, quel est le secret de cette réussite ?

En 1997, M. Luo démissionne de son poste de directeur adjoint du Comité permanent de l’Assemblée populaire du district autonome Tujia de Wufeng, dans la ville de Yichang, au Hubei (centre). Il retourne alors à Niuzhuang, son village natal. À la vue du grand nombre de taudis et des terres infertiles, il comprend que son village s’enfonce toujours plus dans la misère. Il prend alors une décision forte : il apportera la prospérité aux habitants.

Un jour, M. Luo rencontre par hasard un marchand de gros, en quête de gastrodia elata, une plante médicinale de la médecine traditionnelle chinoise. Mais lorsque le commerçant apprend que la production annuelle locale ne s’élève qu’à 500 kilos, il change d’avis. « Pas assez rentable », selon lui.

Cet épisode permet pourtant à M. Luo de percevoir le filon. De fait, en raison de ses grandes vertus thérapeutiques, le gastrodia elata est très demandé sur le marché. Et les conditions naturelles de son village sont favorables à sa culture. Mais avant de pouvoir s’enrichir, il faut d’abord apprendre à le cultiver à grande échelle. Et là encore, cela demande des techniques appropriées, comme la reproduction sexuée, par exemple.

　　Luo Guanzhang (droite)

À 60 ans, il n’hésite pas à se plonger dans l’étude pour franchir cet obstacle technique. Pour se tenir au fait des dernières données scientifiques, il s’abonne à une dizaine de périodiques, et prend des notes en les lisant. Par ailleurs, il se rend dans les provinces du Shaanxi et du Shanxi pour s’inspirer de leur expérience dans la culture du gastrodia elata. Mais si l’expérience s’avère efficace autre part, il faut encore l’adapter pleinement aux conditions locales. Et pour y parvenir, il aura fallu que M. Luo réalise une centaine d’essais sur trois ans, et une multitude de notes d’observation. En mai 2000, la première semence est finalement reproduite avec succès dans la montagne de son village, qui reste gelée quatre mois de l’année.

Il lui faut désormais vulgariser et transmettre ces connaissances auprès des villageois. Il commence par convaincre la famille de Yang Xuchao, le foyer considéré comme le plus pauvre du village, d’apprendre à cultiver la plante. Celui-ci reçoit non seulement un soutien matériel, mais bénéficie aussi d’un prêt financier de 3 000 yuans (450 dollars) avec son aide. En un an seulement, Yang Xuchao parvient à gagner plus de 10 000 yuans (1 500 dollars), et à bâtir sept maisons de brique sur son terrain, en lieu et place de son ancienne cabane. Les 1 500 familles de Niuzhuang sont alors nombreuses à suivre son exemple. De 1997 à 2015, la superficie des champs de gastrodia elata est passée de 220 m2 à 16 800 m2, avec une hausse des recettes à hauteur de 180 millions de yuans (27,3 millions de dollars).

Sous l’égide de Luo Guanzhang, les villageois se sont également essayés à la culture et l’élevage. Au fil du temps, ils se sont spécialisés et ont fini par bâtir les trois piliers de l’économie de Niuzhuang : les feuilles de tabac, les plantes médicinales et les légumes. En 20 ans, ils ont vu leurs revenus augmenter de 510 millions de yuans (77,4 millions de dollars).

« Sortir le peuple de la pauvreté, voici la mission qui a préoccupé Luo Guanzhuang tout au long de sa vie », note Li Sida, ancien adjoint au chef du village. À 80 ans, M. Luo a donc finalement mis un terme à la misère, grâce à sa persévérance, son sens des responsabilités et son esprit pragmatique…